Camille Nashorn Elisa Moros
Ces dernières semaines, les multiples revers militaires de l’armée russe ont fragilisé le pouvoir de Poutine et amplifié les contestations dans le pays. La libération de l’essentiel de la région de Kharkiv, le recul important des troupes russes dans la région de Kherson (plus de 500 km²) ou leur retrait de la ville de Lyman, ont poussé Poutine à limoger publiquement le commandant militaire en charge des opérations en Ukraine et nommer à sa place Sergueï Sourovikine, connu pour sa brutalité.
En plus des revers militaires, Poutine est de plus en plus isolé à l’international, la Chine et l’Inde ayant pris leurs distances. De plus, ses actions bellicistes ont eu pour effet de 1) renforcer l’OTAN avec l’entrée de la Finlande et la Suède et 2) offrir un prétexte aux gouvernements occidentaux pour augmenter leurs budgets militaires.
Face à son isolement, à la ténacité de la résistance ukrainienne et aux avancées majeures de l’armée ukrainienne, le régime poutinien a amplifié son offensive militaire. D’une part, Poutine a poussé plus loin encore ses tentatives d’annexion du territoire ukrainien en organisant des « référendums » pipés pour annexer les deux oblasts du Donbass : Louhansk et Donetsk, ainsi que les oblasts de Kherson et Zaporijjia.
D’autre part, le pouvoir russe a décidé la mobilisation de plus de 300 000 hommes, provoquant de nombreuses désertions (des centaines de milliers de jeunes ont quitté la Russie) et résistances. Cette impression de grand n’importe quoi a déclenché à certains endroits des révoltes et des affrontements avec la police. Néanmoins, ces actes de résistance, s’ils ont conduit à une répression importante dans le pays (plusieurs milliers de personnes arrêtées) ne doivent pas nous mener à exagérer l’ampleur de la résistance en Russie. Si une partie de la jeunesse n’a aucune envie d’aller mourir et conteste la mobilisation, l’opposition à la guerre reste très faible et le pouvoir de Poutine n’est pas sur le point de tomber.
D’autant plus que la mobilisation n’a rien de générale. Elle se fait largement sur des principes raciaux visant en premier lieu les minorités ethniques du Daghestan, la Bouriatie, la Iakoutie ou le Touva. En Crimée occupée, les Tatars en sont les principales cibles. Ainsi, les populations de ces régions ont enregistré les plus fortes augmentations du taux de mortalité depuis le début de la guerre alors que celles de Moscou et Saint-
Pétersbourg sont les plus épargnées. En faisant cela, Poutine applique sa vision raciste de la Russie mais cherche également à préserver le soutien de certaines catégories de Russes.
Les résistances (même limitées) à la « mobilisation générale » sont toutefois des points d’appui et on peut parier que plus la résistance ukrainienne enregistrera des victoires, plus les chances de voir exploser une révolte généralisée contre Poutine augmenteront. De facto, l’avenir de Poutine et de son régime semble aujourd’hui étroitement lié à celui de la guerre qu’il mène contre l’Ukraine.
Face à ce raidissement du pouvoir poutinien, nos boussoles doivent rester :
- Apporter une solidarité sans faille à la résistance ukrainienne face à l’agression impérialiste russe : cela passe par soutenir le droit des ukrainienNEs à s’armer, y compris via les États-Unis et l’OTAN, militer pour l’accueil des deplacéEs et l’annulation de la dette ukrainienne ;
- Défendre l´accueil de touTEs les Russes qui fuient le régime de Poutine ;
- Militer pour le désarmement et la réduction drastique des budgets militaires ;
- Militer pour la sortie la plus rapide possible des énergies fossiles via l’écosocialisme et la décroissance. Malgré les sanctions et la fermeté de façade des gouvernements de l’UE, ces derniers du fait de leur dépendance aux hydrocarbures restent les principaux importateurs d’énergies fossiles russes (54% de la production russe = 85 milliards d’euros dans les 6 premiers mois de la guerre) et financent ainsi la guerre de Poutine. Sans oublier qu’ils ont continué d’armer la Russie jusqu’à récemment.
Nous ne pouvons souhaiter qu’une issue à la guerre : la victoire militaire du peuple Ukrainien, qui renforcerait la crise du régime politique russe et la contestation de la guerre, et ouvrirait les possibilités pour le peuple russe de renverser le régime. Ce scénario repose sur la capacité du peuple ukrainien à s’organiser, et pas seulement militairement. Dans ce conflit, l’auto-organisation a déjà prouvé son importance. Cette expérience de lutte contre l’envahisseur donne aussi des points d’appui pour contester les politiques néolibérales du gouvernement Zelensky, comme le font nos camarades de Sotsialnyi Rukh et de nombreux camarades anarchistes. Cet élément est déterminant pour permettre aux forces progressistes de l’emporter non seulement contre les troupes de Poutine, mais aussi contre leur propre bourgeoisie. Dans cette lutte aux multiples aspects, la solidarité internationale des peuples joue un rôle primordial.