Kharkiv
Vitaliy, conducteur de trolleybus à Khakiv
Nous avons publié dans Soutien à l’Ukraine résistante n° 15 « Je vous écris au nom des conducteurs de trolleybus de Kharkiv » de Vitalyi, conducteur de trolleybus. Il nous adressé pour ce n° 16, son témoignage sur son « 24 février à Khakiv’ ». Qu’il en soit ici remercié.
Le matin du 24 février, à 5 heures du matin, les habitants de Kharkiv se sont réveillés en entendant de fortes explosions et une canonnade à la périphérie de la ville. Nous ne pouvions pas croire que cela était arrivé : que la Russie nous avait attaqués. Le temps s’est alors séparé en deux temps : avant et après. Que faire et que va-t-il se passer ? Les transports fonctionnaient encore, les magasins et les marchés ouvraient, les gens se précipitaient au travail. Les chauffeurs des transports publics étaient déconcertés, mais effectuaient leurs trajets. Dans la soirée, il était devenu évident que notre rythme habituel de vie était perturbé et que tout pouvait s'arrêter à tout moment. Le 25 février, la ville est devenue déserte, les chauffeurs de trolleybus ne sont pas allés travailler, et beaucoup ont commencé à quitter la ville. Les premières explosions ont eu lieu dans la ville, avec des morts et des blessés, des dommages sur le réseau de transport. Le pain, l'eau et d'autres produits sont devenus rares dans les magasins en raison d'un manque d'approvisionnement. De nombreux magasins ont été fermés et des files d'attente se sont formées dans lesquelles les gens ont passé des heures.
Les gens ont commencé à quitter la ville en masse, avec d'énormes embouteillages à la sortie de la ville, le manque de carburant dans les stations-service s’est vite fait sentir, il y avait aussi de très nombreuses personnes à la gare qui voulaient partir. Il n'y avait pas de panique, mais on ne comprenait pas ce qui allait se passer ensuite. Les transports ne fonctionnaient plus, les stations de métro étaient utilisées comme abris anti-bombes. Le bombardement de la partie centrale de la ville a commencé.
Ceux qui vivaient près du dépôt de trolleybus sont allés travailler et ont essayé de se rendre utiles dans ces circonstances, les répartiteurs étaient à leur poste de travail. Il y a un abri anti-bombe au dépôt, où pendant les raids et les bombardements les travailleurs et les habitants des maisons voisines s’y cachaient.
Nous, les chauffeurs du dépôt de trolleybus, avons commencé à chercher à nous rendre aussi utiles autant que possible dans ces circonstances, et l'un des services postaux nous a contactés en nous proposant de livrer de l'aide humanitaire dans la ville en utilisant notre matériel roulant. Nous avons accepté, mais le jour même, on nous a informés qu'ils avaient déjà des chauffeurs et qu'ils avaient besoin de gens pour décharger les wagons d'aide humanitaire. Nous avons accepté avec plaisir et nous nous sommes mis au travail. Il y avait beaucoup de gens pour décharger les wagons qui arrivaient d'Ukraine et de pays européens. Les trains de passagers en direction de l’ouest étaient remplis de femmes et d'enfants, et dans la direction opposée, vers l’est, ils étaient chargés d'aide humanitaire. Immédiatement, nous avons déchargé du pain, du lait, de l'eau potable et d'autres denrées alimentaires et les avons distribués aux points établis dans toute la ville par l'aide humanitaire. Nous avons travaillé sans relâche, sachant que nous nous reposerions plus tard et que notre aide était nécessaire et ce tous les jours. De nombreux chauffeurs ont rejoint la défense territoriale ou l'AFU [forces armées ukrainiennes]. Peu à peu, le nombre de travailleurs au travail dans les centres humanitaires a augmenté, des conducteurs, des monteurs, des travailleurs d'autres dépôts nous ont rejoints, se rendant partout dans la ville pour enlever les décombres et nettoyer les rues des séquelles des bombardements. C'était effrayant, mais nous avons continué à aller travailler tous les jours.
Nos chauffeurs ont participé à l'évacuation des bus municipaux du dépôt de trolleybus de Saltovo qui était constamment sous le feu des tirs russes. Après le bombardement du dépôt de trolleybus 2 en avril, les trolleybus ont également été évacués de cette zone, ils étaient stationnés dans différentes rues des quartiers de la ville afin d'éviter des dégâts massifs.
Le 16 mai 2022, les premiers trolleybus, tramways et autobus ont commencé à circuler dans la ville. Les passagers étaient ravis car, pendant près de trois mois, il n’était possible de se déplacer dans la ville qu’en taxi, par ses propres moyens, à vélo ou à pied. Les trajets étaient gratuits. La ville a commencé à revivre.
Peu à peu, le nombre d'itinéraires et de matériel roulant a augmenté, les gens ont commencé à revenir en ville. Les travailleurs de nos dépôts sont toujours aujourd’hui à l’œuvre dans des entrepôts humanitaires, les chauffeurs de trolleybus s’y rendent pendant leurs jours de congé, mais il y a aussi de simples bénévoles qui veulent être utiles dans cette période aussi difficile.
Nous nous tenons debout et nous allons gagner !