Murray Smith
La guerre en Ukraine a jeté une lumière crue sur la gauche radicale en Europe, révélant le meilleur et le pire. D’un côté une réponse internationaliste de solidarité avec Ukraine. De l’autre un « camp de la paix » ou on trouve des pacifistes mes surtout des sectaires pour qui l’ennemi principal est toujours l’impérialisme américain. Plutôt qu’un mouvement pour la paix il s’agit surtout d’un mouvement de non-solidarité avec l’Ukraine. On y reviendrai.
Commençons par quelques réflexions sur la guerre. On peut être contre la guerre en général. On peut considérer qu’il faut surmonter cette façon barbare de régler les conflits. On peut penser qu’il est possible de le faire dans la société capitaliste actuelle, ou bien que pour finir avec la guerre il faudrait finir avec le capitalisme. Mais historiquement et actuellement, la gauche n’est jamais confrontée à la guerre en général, mais à des guerres réellement existantes, des guerres spécifiques. Qui se suivent et qui ne se ressemblent pas toujours. Donc il faut analyser chaque guerre dans sa spécificité. Il n’y a pas de mots d’ordre hors du temps et de l’espace, qui seraient valables pour toutes les guerres. Ce n’est pas parce que Lénine ou Luxembourg ou Liebknecht ont parlé de défaitisme révolutionnaire, ou ont dit que l’ennemi était dans son propre pays, qu’on peut ressortir ces mots d’ordre pour n’importe quelle guerre, indépendamment du contexte.
La Première Guerre mondiale était un conflit inter-impérialiste pour la répartition des territoires, des ressources et des marchés. Ceux qui ont refusé de soutenir leur propre impérialisme ont eu raison. Et l’Histoire leur aura donné raison. De petits cercles internationalistes minoritaires de 1914 on est passé a des grèves, des mutineries, des partis de masse et des révolutions Pourtant, aucune guerre depuis 1914 n’en a été une simple répétition, donc une simple répétition des mots d’ordre de 1914 ne suffisait pas. Dans toutes les guerres de libération nationale contre les empires coloniaux, il était clair qu’il fallait soutenir les insurgés qui se battaient pour l’indépendance de leur pays. Pareil dans le cas d’agressions de pays indépendants par des puissances impérialistes. Donc dans les années 30 la gauche a soutenu la Chine contre le Japon et l’Ethiopie contre l’Italie. Et plus près de nos jours, l’Irak contre les Etats-Unis. Ceci malgré le fait que ces pays étaient dirigés par des régimes que la gauche ne pouvait pas soutenir.
De manière générale il n’est pas obligatoire pour la gauche de prendre position dans les guerres civiles d’autres pays. Mais dans certains cas, oui, sur la base de critères politiques. Evidemment il fallait soutenir la Russie soviétique contre les Blancs et les armées impérialistes qui les aidaient. Et en Espagne de 1936 a 1939, sans rentrer dans les complexités politiques, il s’agissait d’une guerre contre le fascisme où il fallait soutenir le camp républicain contre les franquistes, quoiqu’on puisse penser du gouvernement du Front populaire. Et cela aurait été le cas même si les franquistes n’avaient pas été soutenus par l’Allemagne et l’Italie. Tout de suite après est venue la Deuxième Guerre mondiale, qui était beaucoup plus complexe (et plus mondiale) que la première. Et qui posaient des problèmes politiques et tactiques qu’on ne peut pas traiter ici dans le détail. Mais il doit être clair que le défaitisme révolutionnaire et l’ennemi qui serait dans notre propre pays n’y collaient pas. Il n’était pas indiffèrent de vivre dans une démocratie bourgeoise ou sous le joug nazi. De nombreux pays européennes en ont fait l’expérience.
Le fil de plomb est de se mettre au service des exploités et opprimés. De ceux qui veulent libérer leur pays du colonialisme ou autre forme de domination, ou bien défendre leur pays contre l’agression. Il faut raisonner en termes de peuples et de classes, pas de blocs ou de sphères d’influence qui ne sont que les véhicules d’oppression des petits pays par les puissances dominantes. Ce faisant, faire de la politique et pas de la géopolitique.
La guerre actuelle est dans son essence pas compliquée du tout. Un pays, l’Ukraine, qui avait fait partie de l’empire russe, a été envahi par la Russie, l’expression actuelle de cet empire qu’elle veut reconstruire. Qu’on appelle la Russie impériale, impérialiste ou quoi que ce soit, il est incontestable qu’elle a lancé la guerre dans le but de soumettre l’Ukraine a sa volonté.
Même ceux qui refusent de soutenir l’Ukraine ne peuvent nier la réalité de l’invasion. Donc, ils trouvent des excuses. Oui, la Russie a envahi, mais elle a été menacée, encerclée, provoquée, donc elle a dû se défendre. Et on construit tout un édifice pour démontrer que la guerre serait vraiment entre d’un côté les Etats-Unis et l’OTAN et de l’autre côté la Russie. Et les Ukrainiens qui résistent à l’invasion? Que des pions dans un « guerre par procuration ».
Dans tout ce bazar on pourrait presque croire que la Russie serait un pays paisible, qui n’avait jamais fait de mal a personne. Mais en réalité il s’agit du pays le plus réactionnaire, répressif et agressif d’Europe. Et qui est l’héritier de siècles de guerres et annexions par un empire dont Marx a toujours su à quel point elle était l’e gendarme des peuples. Quand à Lénine, il n’a jamais sous-estimé la force réactionnaire que représentait le chauvinisme grand-russe.
Dans la gauche européenne, on peut être d’accord sur au moins trois points :
- La Russie a envahi l’Ukraine le 24 février 2022.
- Pour résister a cette invasion, l’Ukraine a reçu une quantité d’armes considérable, venant essentiellement des pays de l’OTAN et surtout des Etats-Unis.
- L’OTAN a connu un élargissement vers l’Est depuis les années 1990, incorporant notamment les pays qui faisaient auparavant partie du Pacte de Varsovie, ainsi que trois ancienne républiques soviétiques, les trois pays baltes.
A partir de ces trois constats, on peut arriver a des analyses et conclusions différentes, voire contradictoires. Mais ceux qui cherchent à relativiser ou même nier la responsabilité de la Russie pour la guerre sont obligés de nier certains faits et d’en inventer d’autres.
La Russie a envahi
Pourquoi la Russie a-t-elle envahi l’Ukraine ?
Que la Russie soit juridiquement responsable ou que l’invasion serait contre la loi internationale, aussi vrai que cela puisse être, est tout à fait secondaire. Le fond de l’affaire est que la Russie, puissance impériale, impérialiste, dominante, depuis des siècles, n’accepte pas que les républiques de l’ancienne Union soviétique, indépendantes depuis 1991, s’échappent à son contrôle. En particulier, elle n’a jamais vraiment reconnu l’indépendance de l’Ukraine. Elle a toujours voulu au minimum un gouvernement à Kyiv aux ordres, sans exclure l’annexion de toute ou une partie de son territoire. Et elle le cachait de moins en moins.
L’Ukraine avait fait partie de l’empire tsariste, de la « prison des nations ». C’est Lénine qui l’a ainsi caractérisé et qui a aussi dit : « Ce que fut l’Irlande pour l’Angleterre, l’Ukraine l’est devenue pour la Russie : exploitée a l’extrême, sans rien recevoir en retour». En plus de l’exploitation économique, il y avait sous le tsarisme l’interdiction de la langue ukrainienne et la répression de tout ce qui pouvait exprimer l’identité ukrainienne, sur les plans culturel et politique . Apres une brève période dans les années 20 où la langue et la culture ukrainiennes furent encouragées, la contre-révolution stalinienne a sévi. Entre famine et terreur, les années 30 ont été une décennie noire pour l’Ukraine, suivie par la guerre.
Malgré cette histoire, une certaine gauche veut faire croire que si Poutine fait la guerre ce serait à cause de l’élargissement de l’OTAN vers l’Est, qu’il verrait comme une menace et contre lequel il réagirait.
En réalité, il y a une abondance d’évidence que Poutine a toujours su exactement ce qu’il voulait, qu’il n’était poussé ni provoqué par personne. On peut commencer par son constat célèbre en 2005, où il a dit que « la désintégration de l’Union soviétique a été la plus grande catastrophe géopolitique du 20e siècle ». Géopolitique, pas sociale. Ce qu’il voulait (depuis bien avant 2005) et veut toujours est de reprendre le contrôle du territoire de l’ancienne URSS, qui correspondait d’ailleurs un peu près a celui de l’empire tsariste. Et c’est cet empire qu’il veut reconstruire. Pas forcement en annexant les anciens républiques mais en les contrôlant. Et en plus, retrouver le sphère d’influence en Europe que Staline avait établi en 1945. Dans ce projet, l’Ukraine occupe une place centrale. Comme l’a dit Zbigniew Brzezinski, conseiller de Carter et Obama: « Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire eurasien ». Car, il ne faut jamais oublier que la Russie n’est pas un Etat national, mais justement un empire.
Donc, dans la vision de Poutine et dans son projet il n’y avait pas de place pour une Ukraine indépendante, surtout depuis qu’elle se tournait de plus en plus vers l’Occident.
Avant le 24 février, il y avait 2014. Le détachement entre une partie de la gauche occidentale et la réalité ukrainienne s’est vraiment manifesté alors.
L’idée que l’annexion de la Crimée était une réaction au « coup d’état » de la Maidan ne tient pas debout. D’abord, on peut seulement parler de « coup d’état » ou « coup de force » en faisant l’économie d’une analyse concrète d’un mouvement de masse qui a duré trois mois et de son évolution. Et en la remplaçant par une caricature made in Russia. Mais les colporteurs d’une telle caricature ne devraient plus s’attendre a être pris au sérieux. Pour ceux qui veulent comprendre, il y a des livres, des témoignages et des articles accessibles en ligne. Il y a même Wikipédia.
Ensuite, l’annexion de la Crimée a été discutée et planifiée avant la chute de Ianoukovytch et la victoire du Maidan. Et non seulement la Crimée. Tout le plan d’annexer les oblasts de l’Est et du Sud, en passant par une phase de « républiques populaires ,» était aussi mis en avant dans un document soumis à discussion dans l’administration présidentielle russe entre le 4 et le 12 février 2014 et publié intégralement par le journal Novaya Gazeta le 26 février 2015. L’introduction faite par le journal commence par une citation qui dit tout. « On considère qu’il convient d’initier l’accession des régions de l’Est a la Russie ». Le document commence par trois constats : la faillite de Ianoukovytch, qui perd rapidement le contrôle du processus politique. Ensuite la paralysie du gouvernement et le manque d’un corps politique d’interlocuteurs avec lequel la Russie pourrait négocier. Enfin, qu’il était peu probable qu’un tel corps politique « acceptable » sorte des élections prévues.
Par ailleurs, nous avons pu lire tout récemment le témoignage de Bill Clinton, qui raconte une conversation avec Poutine en 2011, où ce dernier aurait dit qu’il n’était pas d’accord avec l’accord que Clinton avait fait avec Eltsine. Il s’agissait du Mémorandum de Budapest de 1994, où en échange de l’abandon de ses armes nucléaires, la souveraineté et les frontières d l’Ukraine seraient garanties par la Russie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Poutine aurait dit : « Je ne suis pas d’accord avec cet accord. Et je ne le soutiens pas. Et je n’en suis pas lié ». Et Clinton ajoute : « Je savais à partir de ce jour-là que c’était juste une question de temps ». De trois ans en effet, avant que Poutine trouve l’occasion propice pour faire ce qu’il avait déjà décidé de faire.
Pour mettre en route le plan d’ « accession « il fallait évidemment pouvoir compter sur des soutiens dans la population. Dans son discours devant le sommet de l’OTAN à Bucarest en 2008, où il mettait déjà en question la légitimité de l’État ukrainien, Poutine parlait à un moment de 17 millions de russophones en Ukraine et à un autre moment de 17 millions de Russes. Il est possible qu’il pensait que c’était la même chose. Et même qu’il croyait sa propre propagande sur la » persécution des russophones ». Mais russophone n’égale pas russe. On peut être russophone et patriote ukrainien. C’était déjà évident en 2014, même dans le Donbass. Et encore plus aujourd’hui. Pourtant, il y a de nombreux témoignages de soldats russes qui étaient vraiment étonnés de rencontrer l’hostilité des habitants des zones occupées. Ils avaient cru ce qu’on leur avait raconté, qu’ils seraient accueillis comme des libérateurs.
L’élargissement de l’OTAN
L’équivalent de l’OTAN dans le bloc soviétique était le Pacte de Varsovie, établi en 1955. L’Allemagne de l’Est, qui en faisait partie, a cessé d’exister au moment de la réunification de l’Allemagne en octobre 1990. Mais après la chute du Mur en novembre 1989 et même avant les premières élections libres en RDA en mars 1990, il était évident qu’on allait vers une réunification plus ou moins rapide. La question était : quelle réunification ? Une possibilité était celle d’une Allemagne unie et neutre. L’autre, celle d’une Allemagne unie membre de l’OTAN, le choix préféré des Américains notamment. C’est dans ce contexte que le Secrétaire d’état américain James Baker, cherchant une façon d’avancer, a émis en conversation avec Gorbatchev le 9 février, 1990, l’idée que l’Allemagne unie puisse être membre d’OTAN, et qu’en retour il y aurait un engagement que l’OTAN n’avancerait pas d’un pouce (« not an inch ») vers l’Est. Gorbatchev était plutôt d’accord. Le lendemain. Baker a mis les deux possibilités devant Kohl, qui a fini par préférer le deuxième choix. On sait comment les choses se sont passées par la suite.
Toute l’édifice de cette l’histoire de l’OTAN qui aurait promis de ne pas s’élargir vers l’Est et qui aurait rompu sa promesse est bâtie autour de cette petite phrase de Baker, qui est encore sujet au débat. Promesse, ou simple hypothèse ? Concernant que l’Allemagne, ou toute l’Europe de l’Est ? Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a jamais eu d’engagement écrit. Poutine lui-même le regrette, en disant dans ses entretiens avec Oliver Stone que rien « n’était consacré sur papier…En politique, tout doit être consacré sur papier. » Par ailleurs, même s’il y en avait eu quelque chose d’écrit, cela n’aurait pas pu être définitif. Comme le Mémorandum de Budapest… La diplomatie et les relations internationales ne sont pas basées sur des promesses, orales ou écrites, mais sur des traités en bonne et due forme. Qui peuvent aussi être violés, mais c’est plutôt rare, puisque si un régime viole systématiquement des traités personne ne va vouloir plus négocier avec lui.
La seule traité signé était le « Traité sur le règlement finale en ce qui concerne l’Allemagne » de septembre 1990. Les signataires était les deux Etats allemands, plus la France, le Royaume-Uni, l’URSS et les Etats-Unis. Ce traité stipulait qu’il n’aurait ni troupes non-allemandes ni armes nucléaires sur le territoire de l’ancienne RDA. Il a été respecté.
A l’occasion du 25e anniversaire de la chute du Mur, Gorbatchev a confirmé qu’il n’y avait pas eu de promesse concernant l’élargissement de l’OTAN, qu’il n’y avait même pas eu de discussion là-dessus. Mais il a ajouté que l’élargissement avait été une « grande erreur » et une violation de » l’esprit » de ce qui avait été dit en 1990.
Donc, cette histoire de la promesse qui aurait été rompue, qui est quand même le point de départ de tout le discours visant a montrer une OTAN agressive et traitre, est basée sur une phrase d’un responsable américain au président d’un pays, l’Union soviétique, dont ni l’un ni l’autre ne soupçonnait qu’elle n’existerait plus moins de deux ans après.
Non seulement les Américains ne voyaient pas venir l’éclatement de l’URSS, ils ne le souhaitaient même pas. Ils étaient tout a fait prêts a traiter avec l’URSS de Gorbatchev. Le Président George H.W. Bush s’opposait dans un premier temps à l’indépendance de l’Ukraine, notamment dans son célèbre « Chicken Kiev » discours.
Regardons les rapports Est-Ouest a l’époque. Déjà en 1991 le Conseil de coopération du Nord-Atlantique (NACC) avait été créé, entre les pays de l’OTAN et ceux du pacte de Varsovie. En 1994 est créé le Partenariat pour la Paix, avec les membres du NACC et quelques autres, notamment le Kazakhstan.
En 1993 Eltsine écrit a Clinton, « toute intégration possible de pays de l’Europe de l’Est a l’OTAN ne mènera pas automatiquement a ce que l’alliance se tourne en quelque sorte contre la Russie ». En 1997 est conclu l’Acte de Fondation OTAN-Russie qui constate que l’OTAN et la Russie « ne se considèrent pas comme des adversaires » et voit l’élargissement de l’OTAN comme « un processus qui continuera ».
Tout cela se passait sous le mandat d’Eltsine. Cela n’indique pas une attitude de affrontement ou de recherche d’un affaiblissement de la Russie, plutôt une recherche de coopération et d’intégration à l’ordre international dominé par l’Occident.
Est-ce que Poutine a eu une attitude différente ? Dans un premier temps, il n’y a pas eu de rupture avec l’OTAN. Poutine n’était pas contre des rapports d’égal a égal avec l’alliance. Le Conseil OTAN-Russie a été créé en 2002. Poutine a déclaré la même année dans une conférence de presse avec le président ukrainien Leonid Koutchma :, « Je suis absolument convaincu que l’Ukraine ne resterait pas en retraite des processus croissants d’interaction avec l’OTAN. La décision est à prendre entre l’OTAN et l’Ukraine. C’est une question qui concerne ces deux partenaires. » Et en 2004, au moment de l’adhésion de sept pays a l’OTAN : « Chaque pays a le droit de choisir l’option qu’il considère comme la plus efficace pour assurer sa propre sécurité. » A ce moment-là, la Russie exprimait quelques inquiétudes, mais ne voyait pas l’OTAN comme une menace. Comment expliquer le changement ?
Poutine est convaincu des le début de son premier mandat, voire bien avant, de la nécessite de remettre l’ordre a l’l’intérieur du pays (en affirmant sa propre autorité) et de restaurer la Russie à ce qu’il considérait comme sa place dans le monde. Dans un premier temps, il peut bien avoir pensé que cela pouvait se faire dans le cadre de bonnes relations économiques et politiques avec les Etats-Unis et l’Europe et même avec l’OTAN. En réalité, l’Occident était parfaitement prête a avoir des bonnes relations avec la Russie. Mais accepter un sphère d’influence russe comme Poutine le comprenait, surtout en Europe, c’était une autre affaire.
Poutine commence à avoir un discours plus musclé, notamment dans son discours à Munich en 2007. Il a participé au sommet de l’OTAN a Bucarest en 2008 mais en haussant le ton et mettant en question la légitimité de l’Ukraine. Même après la guerre éclair contre la Géorgie en 2008, la Russie a participé à des exercices de l’OTAN en 2011. C’est a partir de 2014 que la rupture est consommée, suite a l’annexion de la Crimée et l’intervention dans le Donbass. Et c’est aussi à partir de là que le discours anti-OTAN devient systématique. La rupture a eu lieu non suite a l’élargissement de l’OTAN mais suite au recours à la force de la Russie contre l’Ukraine. Et ce recours à la force a eu lieu suite à la révolution du Maidan, qui loin d’être un coup était un mouvement en profondeur, surtout de la jeunesse.
En ce qui concerne l’Ukraine, la Russie n’a jamais accepté son indépendance, mais dans un premier temps elle était confiante dans son capacite d’influencer politiquement le cours des évènements en s’appuyant sur des courants politiques ukrainiens favorables a des liens forts avec la Russie. Il faut ajouter un noyautage systématique de l’appareil d’Etat ukrainien, surtout les organes de sécurité, dont l’ampleur s’est révélée en 2014. Le premier choc est intervenu en 2004, avec le mouvement dit de la « révolution orange », en fait un mouvement de masse contre la fraude électorale. Venant après la « révolution rose » en Géorgie et avant la « révolution tulipe » au Kirghizstan, c’était suffisant pour inquiéter Poutine, qui craignait la contagion. D’où le discours sur les « révolutions de couleur » qui seraient téléguidées par Washington. En Ukraine l’arrivée au pouvoir de Ianoukovytch en 2009 semblait être un retour au normal, mais le prochain choc, le Maidan, a été un coup plus dur pour la Russie.
L’élargissement de l’OTAN a eu lieu assez rapidement, entre 1999 et 2009 pour l’essentiel. Cela correspondait certainement aux intérêts des Etats-Unis. Probablement pour consolider son influence en Europe plutôt que pour affronter la Russie. Mais il ne faut pas, comme le fait souvent la gauche occidentale, oublier ce que pensaient les premiers intéressés, ceux qui vivaient dans les pays concernés. Il est clair que l’adhésion a l’OTAN ne correspondait pas seulement aux souhaits des nouveaux élites capitalistes dans ces pays mais aussi a la volonté des peuples. En Hongrie un referendum a donne plus de 85% de oui. Il n’y a aucune raison de penser que l’adhésion a l’OTAN n’aurait pas eu un soutien largement majoritaire partout. Tout simplement parce que tous ces pays avaient été dominées par la Russie pendant des décennies, et pour certains d’entre eux, pendant des siècles.
Quant a « l’encerclement » de la Russie par l’OTAN, soyons sérieux, Il suffit de regarder une carte. Les trois pays avec les plus longues frontières avec la Russie sont la Chine, la Mongolie et le Kazakhstan, dont aucun n’est membre de l’OTAN... Ce qu’il y a aujourd’hui, de la Finlande au nord jusqu’à la Bulgarie, est une barrière, une ligne de défense. Et cette ligne est bien de défense contre la Russie et pas une menace pour elle. Poutine n’a pas peur que l’OTAN attaque la Russie. La Russie est une puissance nucléaire, comme il n’arrête pas de nous rappeler, et aucune puissance nucléaire n’a jamais été envahie. Ce qui embête Poutine, ce n’est pas une menace militaire. C’est tout simplement que l’adhésion de ces pays à l’Union européenne et à l’OTAN est une façon de tourner définitivement le dos à Moscou et de se tourner vers l’Ouest.
Des armes pour l’Ukraine
Personne ne conteste le fait que l’Ukraine a reçu des armes. Ce qui est contestable, c’est l’idée que cela démontrerait que ce qui se passe est donc une guerre par procuration entre l’OTAN et la Russie. Et pour que cela soit crédible on invente une histoire où l’Ukraine est armée et préparée pour cette guerre depuis 2014.
Avant de revenir là-dessus, regardons l’exemple de la Guerre du Vietnam.
Quel était le caractère de cette guerre ? Il s’agissait évidemment d’une guerre de libération nationale contre l’impérialisme américain et ses supplétifs vietnamiens, la continuation d’ailleurs de la Première Guerre d’Indochine contre la France.
Est-ce que le Vietnam a eu des soutiens dans son combat ? Oui, il a été aidé par l’Union soviétique et la Chine.
L’aide militaire chinoise a commencé dans la dernière période de la Première Guerre d’Indochine. Suite à la victoire de la Revolution chinoise, entre 1950 et 1954 elle est devenue importante et très utile : fusils, mitraillettes, mortiers, pièces d’artillerie, etc. Après les accords de Genève en 1954 qui scindaient le Vietnam en deux la Chine ne voulait pas de nouvelle guerre mais quand les Vietnamiens ont pris la décision de réunifier leur pays par la force, elle a continué à fournir de l’aide militaire, encore très utile, surtout dans la première période de la guerre, de 1959 a 1963. La Chine a aussi envoyé des troupes au Vietnam, surtout pour défendre Hanoi et ses environs. En 1967, ils étaient 170,000. On compte 1,000 morts chinois au cours de la guerre.
Au plus fort de la guerre l’aide soviétique a commencé à jouer un rôle de plus en plus important par sa quantité et sa qualité. Face a l’escalade de l’intervention américaine à partir de 1964, le type d’aide que les Soviétiques ont pu fournir a jouer un rôle cruciale, notamment pour défendre le Vietnam du Nord contre les bombardements américains. Cette aide a sérieusement augmenté après le chute de Khrouchtchev.
Le 17 novembre 1964, le Politburo du PCUS a décidé d’accroître son soutien au Vietnam. Cette aide incluait notamment des avions de combat, du radar, de l’artillerie, des systèmes de défense anti-aériens, des armes légères, des munitions, des livraisons alimentaires et de médicaments.
En 1965, les Soviétiques ont pris un pas supplémentaire en envoyant des missiles sol-air et des avions de chasse. Par ailleurs, le Vietnam a reçu environ 2,000 chars, en plus d’hélicoptères et autres matériels.
L’Union soviétique a aussi envoyé au Vietnam environ 15,000 personnel militaire, des spécialistes. Comme conseillers, mais aussi, surtout au début, comme combattants opérant les systèmes de défense anti-aériens. Et aussi a l’occasion comme pilotes. Ce qui était moins nécessaire une fois que 5,000 Vietnamiens avaient été formés comme pilotes en URSS. Tous ces équipements et les spécialistes soviétiques étaient envoyés au Vietnam du Nord. Certains des équipements ont par la suite pris le chemin du Sud. Les spécialistes, non. Les Soviétiques voulaient éviter toute escalade, donc, ne pas prendre le risque d’affrontements Soviétiques-Américains.
Les Américains ont perdu 4,000 avions de combat pendant la guerre. Sans l’aide soviétique, cela aurait été difficilement imaginable.
L’ampleur de l’aide militaire soviétique, mais aussi chinoise, est frappant. Evidemment il s’agissait d’armes des années 60, moins sophistiquées que celles d’aujourd’hui. Mais dans le contexte cette aide était certainement plus conséquente que les armes envoyées en Ukraine jusqu’aujourd’hui..
La guerre du Vietnam a coïncidé avec le schisme sino-soviétique. Les rapports entre les deux pays étaient exécrables, jusqu’à frôler le conflit armé en 1969. Par la force des choses, et pas sans accroc, ils étaient obliges de coopérer pour aider le Vietnam. Mais chacun cherchait a tirer le Vietnam dans son orbite.
Est-ce tout cela a changé la nature de la guerre ? Non. Il s’agissait toujours d’une guerre de libération nationale. L’ampleur de l’aide soviétique et chinoise et les motivations éventuelles de ces deux régimes n’y changeaient rien.
Revenons en Ukraine. En regardant l’Annexe on voit dans cet article du Quotidien de Luxembourg (basé sur les travaux de l’Institut de Kiel) un bon résumé des livraisons d’armes. Premier constat, les armes sont en effet de plus an plus lourdes. Mais au début, en février-mars 2022, elles n’étaient pas lourdes du tout. Au début les Américains, comme les Russes, comme un peu près tout le monde, pensaient que les Russes occuperaient rapidement Kyiv, Kharkiv et d’autres villes et que les Ukrainiens mèneraient au mieux une guerre de résistance à l’Ouest et une guerre des partisans ailleurs. C’est pour ça que les Américains ont voulu évacuer Zelensky vers Lviv ou même hors du pays. Contre toute attente, les choses se sont passées autrement. Les Russes ont été obligés de se retirer du Nord du pays. Les Ukrainiens ont donc marqué une première victoire. C’était important. Ayant montré ce qu’ils pouvaient faire, les Ukrainiens ont eu droit a des armes plus lourdes, dont ils auraient besoin pour les combats dans l’Est et le Sud.
Mais il manquait encore certaines armes. Les Ukrainiens ont quémandaient pendant des mois avant d’avoir des chars modernes et pour l’instant, encore en nombre limité. Ils ont eu dès l’année dernière de missiles de courte portée HIMARS (70km). Ensuite des missiles de moyenne portée (130km) et enfin, en mai, les Storm Shadow britanniques de longue portée. Ce n’est que maintenant qu’ils ont la promesse de recevoir ce qu’ils demandent depuis des mois, c’est-à-dire des avions de combat F-16. En attendant ils fonctionnent avec des avions de fabrication soviétique (quand même considérablement modernisés) qu’ils ont reçu des pays de l’Europe de l’Est. Assez récemment, l’Allemagne a autorisé la livraison de cinq Mig ayant fait partie des forces aériennes de la RDA, un pays qui a cessé d’exister en 1990. Poutine a dû trembler…
En effet les Américains ont deux préoccupations. Ils aident vraiment l’Ukraine à se défendre. Ils ne veulent pas la voir occupée par la Russie : mais en même temps ils ont peur d’une escalade avec la Russie, ce qui explique les lenteurs et les hésitations dans les livraisons d’armes sophistiquées. Il est aussi possible qu’ils souhaitent éviter une défaite militaire totale de la Russie par peur des conséquences déstabilisatrices, préférant les laisser se retirer en douceur ou même les laisser garder quelques gains territoriaux. Mais cela dépend aussi du rapport de forces sur le terrain. Néanmoins, si les blocages sur les types d’armement fourni ont tendance a être levés, bien que lentement, ce n’est pas seulement à cause de la pression de l’Ukraine et de certains autres pays, mais à cause du comportement des Russes. Sauf le recours aux armes nucléaires, ils se permettent tout, notamment des attaques contre les infrastructures et les cibles civiles, sans parler des crimes qu’ils commettent dans les zones occupées.
Il faut quand même ajouter que la lenteur des livraisons venant de certains pays peut aussi avoir un aspect logistique. Car contrairement à ce que racontent certains campistes/pacifistes, loin de se militariser en permanence, la réalité est qu’après la fin de la Guerre froide, la plupart des pays membres de l’OTAN ont sérieusement réduit leurs effectifs et leurs dépenses militaires. C’était notamment le cas de l’Allemagne.
Un examen de la période entre 2014 et 2022 est assez révélateur. Nous sommes très loin de l’image d’une OTAN qui arme l’Ukraine contre la Russie. Pendant la présidence d’Obama, donc jusqu’en 2017, le total de livraisons d’armes par les Etats-Unis à l’Ukraine étaient zéro. C’était la politique d’Obama. Et puisque c’était les États-Unis qui menaient la danse, les pays membres de l’OTAN en Europe de l’Ouest ont suivi son exemple. Porochenko, alors président de l’Ukraine, était présent au sommet d’urgence de l’OTAN à Cardiff en septembre 2014. Il a demande des armes, il est reparti les mains vides. Seulement certains pays de l’Est, notamment la Pologne, ont fourni quelques armes, mais en petite quantité. Apres quelques hésitations, Trump a fourni des missiles anti-char Javelin : une premier livraison en 2018, suivie par d’autres en 2019 et 2021. Mais les Ukrainiens n’ont reçu qu’en 2020 l’autorisation de les déployer au front dans le Donbass.
Le sommet de l’OTAN à Cardiff était censé tirer la sonnette d’alarme et pousser les pays membres à augmenter leurs dépenses militaires à 2% de leur PIB. Il faut constater que l’a réponse a été globalement assez tiède. Il a fallu le 24 février pour que cela commence à changer.
Loin de préparer la guerre, la réponse des Etats-Unis après 2014 était de pousser l’Ukraine vers un accord avec la Russie dans le cadre des tristement célèbres accords de Minsk, dont l’application était sous-traitée à la France et l’Allemagne. Ces accords avaient été imposés à l’Ukraine par la Russie en 2014-15 sur la base d’un rapport de forces militaires défavorables aux Ukrainiens. Au-delà de leurs incohérences et ambiguïtés, ils avaient, selon Wolfgang Sporrer, diplomate travaillant pour l’OSCE et engagé dans le processus de Minsk, une faiblesse encore plus importante. Ils n’allaient pas a le racine du conflit. Celle-ci découlait selon lui de la volonté de la Russie d’exercer son influence sur la politique intérieure et les relations internationales de l’Ukraine : le conflit fondamentale était celui entre Moscou et Kyiv. En soi, le problème du Donbass était tout a fait solvable. Mais pour la Russie les « républiques » constituaient un utile levier de pression sur l’Ukraine.
Tout en refusant d’envoyer des armes, les Etats-Unis et l’OTAN ont bien envoyé des équipements militaires – casques, bottes, gilets pare-balles, lunettes de nuit, matériel informatique, etc. Mais ils ont fait quelque chose de plus important : ils ont fourni de l’entrainement pour les forces armées ukrainiennes (AFU). Et de manière sérieuse. Au cours de l’année 2015, il y a eu trois grands programmes d’entrainement, dirigés respectivement par les Etats-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne. En tout le nombre de militaires ukrainiens qui sont passés par ces programmes était plus de 70,000. Les Occidentaux ont donc bien voulu donner a l’Ukraine les moyens d’avoir ce qui lui avait manqué en 2014, une armée moderne digne de ce nom. Mais pas lui fournir les armes nécessaires. S’ils l’avaient fait, la guerre actuelle aurait pu être écourtée ou même évitée.
En conclusion on peut dire que les Etats-Unis et encore plus certains de leurs alliés de l’OTAN (surtout la France et l’Allemagne) portent quand même une certaine responsabilité pour la guerre actuelle. Mais pas dans le sens de pousser à la guerre. Tout à fait le contraire. Ils ont persisté au-delà du raisonnable à traiter le régime de Poutine comme un partenaire rationnel, responsable et fiable. Pourtant les signaux d’alarme ne manquait pas. De la Tchétchénie dans les années 90, en passant par la Géorgie, la Syrie, la Crimée, le Donbass. On peut même penser que la mollesse des réactions de l’Occident à toutes ces occasions ait encouragé Poutine à penser qu’il pouvait oser sans risque envahir l’Ukraine en 2022. D’ailleurs, que sait-on, si « l’opération spéciale » avait été aussi rapide que prévue il aurait peut-être eu raison…
Les divisions de la gauche
La gauche radicale européenne est profondément divisée. Il ne s’agit pas simplement d’une bataille idéologique, mais de choix qui déterminent l’action politique des uns et des autres. Non seulement la gauche adopte des positions différentes d’un pays a l’autre, mais souvent il y a des divisions au sein de la gauche du même pays.
Il est possible d’identifier trois grands courants. Le courant internationaliste, le courant campiste et le courant pacifiste.
Le premier se situe clairement en solidarité avec l’Ukraine. Il soutient ce pays dans sa guerre de résistance contre l’invasion russe. Pour beaucoup, cela comprend aussi le soutien à l’envoi des armes, mais au minimum le soutien s’exprime en mettant clairement en avant la revendication du retrait des troupes russes de l’Ukraine, sans condition. Et aussi autant que possible en y portant une aide matérielle.
Le courant campiste considère que la cause principale de la guerre, ou pour le moins une cause importante, est l’élargissement de l’OTAN vers l’Est : ce qui l’amène a diluer la responsabilité de la Russie pour la guerre, sans forcement la nier complètement. De manière générale ce courant parle de cessez-le-feu et de négociations. Sans conditions. Parfois en précisant sur les lignes de front actuelles. Et soit en refusant de soutenir l’envoi des armes, soit carrément en appelant à l’interdire. Evidemment, cette position est objectivement pro-russe. Son résultat serait de pousser l’Ukraine vers les négociations dans une situation de faiblesse. Certains campistes l’admettent au nom de la primauté de la lutte contre l’OTAN. D’autres se cachent derrière des appels à la paix dont on peut doutla sincérité, c’est le moins qu’on puisse dire.
Etant contre la guerre par principe, le courant pacifiste part de la volonté de terminer la guerre le plus vite possible. Il ne partage pas forcement la vision campiste. Mais c’est souvent le cas, dans la mesure où en Europe occidentale certains mouvements pacifistes datent de l’époque de la Guerre froide et étaient dirigés contre l’impérialisme américaine et l’OTAN. Mais que ce soit par campisme ou simplement l’aspiration sincère à la paix, ils arrivent souvent aux mêmes revendications que les campistes : cessez-le-feu, négociations, pas de livraison d’armes.
D’où viennent ces divisions ? Prenons les campistes d’abord. Certains camarades demandent pourquoi on parle de campistes. Il faut dire qu’il y a un touche d’ironie. Pendant la Guerre froide, il y avait en effet deux camps. Le camp soviétique, qui s’appelait camp socialiste, et le camp occidental US-OTAN qui se faisait appeler camp démocratique et était appelé correctement par d’autres comme camp impérialiste. Aujourd’hui il n’y a plus de camp qui prétende être socialiste. Personne ne peut prendre la Russie pour socialiste ou même progressiste et les pays qui votent avec elle aux Nations unies sont aussi indéfendables, sinon pire : Corée du Nord, Syrie, Iran, Érythrée, Nicaragua.
Quantitativement, la majorité de campistes viennent des partis communistes ou ont été formés par eux. Ce qui ne signifie pas que tous les communistes sont campistes ni que tous les campistes sont des communistes. Il existe aussi une deuxième source de campisme, parmi ceux qui ont combattu les guerres américaines après 1991. Mais que cela date d’avant ou après 1989-91 le résultat est le même : une vision sclérosée du monde, en fin de compte dogmatique et sectaire. Aucun besoin de faire l’analyse concrété d’une situation concrète si chère à Lénine. Dans toute circonstance l’ennemi principal est l’impérialisme américaine. Il suffit de plaquer cette conception sur n’importe quelle situation, en déformant la réalité au besoin. Ainsi, on exige le retrait des quelques centaines de soldats américains de la Syrie, en ne disant pas un mot sur les forces russes et iraniennes et leurs participation active à la guerre d’Assad contre les peuples syrien et kurde.
Les vrais pacifistes, à la différence des campistes qui se cachent derrière les appels à la paix, sont autre chose. On peut penser qu’ils sont naïfs. Dans une entretien avec Médiapart au début de la guerre, Le philosophe français Etienne Balibar, fort soutien a l’Ukraine, constate : «Le pacifisme n’est pas une option ». Au fait, dans une guerre, le pacifisme n’est jamais une option. Chercher a terminer une guerre le plus tôt possible indépendamment du contexte peut mener au pire. Par contre, en temps de paix, militer contre la guerre en général est tout à fait respectable, sans forcement être efficace. Pourtant, mener des campagnes d’information et d’action contre les armes nucléaires est plus qu’utile.
Qu’est-ce qui caractérise le courant internationaliste face a la guerre ? De faire précisément une analyse concrète, de définir la nature de la guerre. S’il s’agit d’une guerre de libération nationale ou d’une guerre de défense nationale, soutenir ceux qui luttent contre l’oppression. Soutenir ceux qui sont opprimés at exploités et aider leur résistance et leur droit à l’autodétermination. Dans le cas précis de la guerre actuelle, il s’agit d’une guerre de défense, nationale et démocratique. La gauche ukrainienne a donc mille fois raison de participer a la défense de son pays. La vraie gauche ukrainienne, pas la « gauche » pro-russe. Au passage, on peut encore faire référence a Lénine, qui passe pour être contre le mot d’ordre de défense de la patrie. Erreur. Il était contre l’utilisation de ce mot d’ordre comme justification du soutien à son propre impérialisme en 1914. Mais pas contre le mot d’ordre en tant que telle, s’agissant de guerre nationales, comme il a précisé par la suite.
On peut ajouter que les internationalistes ne sont pas des donneurs de leçons de loin à ceux qui se battent. On assiste actuellement à des campistes et pacifistes qui ne se limitent pas à des appels au cessez-le-feu et négociations. Les Ukrainiens sont en plus sommés à faire des concessions, des compromis, de prendre en compte les intérêts de la Russie. Les campistes sont les pires et leurs conseils sont surtout élaborés dans le confort des pays du noyau impérialiste de l’Union européenne. On se demande de quel droit politique ou moral ils font ca. On se console du constat qu’ils ont de moins en mois de respect et de crédibilité en Europe de l’Est.
Annexe
Des armes toujours plus lourdes
Le Quotidien 30/03/2023
UKRAINE Les récentes livraisons de chars et de roquettes longue portée illustrent la manière dont les Occidentaux s'adaptent aux besoins de Kiev.
Dès le début de l'invasion russe en février 2022, les Ukrainiens bénéficient de premières livraisons d'armes par l'Occident. Entre février et mars, ils reçoivent plus de 40 000 armes légères, 17 000 manpads – systèmes portatifs de défense sol-air – ainsi que de l'équipement (25 000 casques, 30 000 gilets pare-balles…), selon les données du Kiel Institute qui recense depuis le début de la guerre les armes promises et livrées à l'Ukraine. La Grèce envoie notamment 20 000 Kalachnikov AK-47, les États-Unis 6 000 manpads, 5 000 carabines Colt M4 et 2 000 missiles anti-chars portables Javelin, la Suède 10 000 manpads, la République tchèque 5 000 fusils d'assaut Vz58 et 3 20 mitrailleuses Vz59.
Dans l'urgence, ces armes et équipements légers sont faciles à livrer, à prendre en main et à déplacer sur le champ de bataille. Face à une farouche résistance à Kiev et à Kharkiv, la deuxième ville du pays, l'armée russe se retire fin mars pour concentrer ses efforts sur les territoires du Donbass et du sud.
Commencent alors en avril les livraisons d'artillerie (obusiers, lance-roquettes...), capables de frapper derrière les lignes ennemies pour atteindre les stocks de munitions et bloquer les chaînes logistiques russes. Sont livrés jusqu'à l'automne 321 obusiers, dont 18 canons Caesar français, 120 véhicules d'infanterie, 49 lance-roquettes multiples, 24 hélicoptères de combat, plus de 1 000 drones américains, ainsi que 280 chars de fabrication soviétique, envoyés principalement par la Pologne, que l'armée ukrainienne a l'habitude d'utiliser.
Les blindés arrivent
Malgré son repli sur l'est et le sud du pays, la Russie mène en parallèle des vagues de frappes aériennes (missiles et drones kamikazes) sur les infrastructures énergétiques, les centres urbains, bien au-delà du front. Pour y faire face, les Ukrainiens demandent des systèmes de défense antimissiles. Les États-Unis fournissent huit pièces, le Royaume-Uni six pièces, l'Espagne quatre pièces et l'Allemagne une pièce. Washington a récemment fini par accepter de livrer à Kiev son système de missile sol-air moyenne portée Patriot, considéré comme l'un des meilleurs dispositifs de défense antiaérienne des armées occidentales.
Ces derniers mois, une guerre de tranchées s'est installée à Bakhmout et l'Ukraine craint une offensive majeure russe avec l'arrivée des mobilisés. Dans ce contexte, Kiev a obtenu des chars lourds et modernes occidentaux, longtemps réclamés pour prendre l'initiative et sortir de la guerre d'usure. Plusieurs pays occidentaux ont promis fin janvier d'en livrer : Washington a annoncé des chars Abrams, Londres des Challenger 2, Berlin des Leopard 2, réputés parmi les meilleurs du monde. Le feu vert allemand a par ailleurs permis à d'autres pays de promettre des Leopard 2, dont la Pologne a ainsi envoyé 14 exemplaires.
Jusqu'à présent, Kiev ne disposait que de chars de fabrication soviétique et en avait perdu beaucoup. Les chars occidentaux sont plus performants technologiquement avec des systèmes de visée plus précis, de l'électronique embarquée... Lundi ont été confirmées les premières livraisons de blindés par Londres, Washington et Berlin.
Promises par les États-Unis début février, des roquettes de longue-portée GLSDB ont également été fournies, selon des affirmations russes non démenties par Kiev. L'Ukraine juge ces munitions, d'une portée allant jusqu'à 150 kilomètres, cruciales pour lancer sa prochaine contre-offensive et menacer des positions russes loin derrière les lignes de front.