Alyssa Garcia
La population suisse s'est fortement mobilisée les semaines qui ont suivi le 24 février 2022, notamment en récoltant des biens et de l'argent à destination de l'Ukraine. Une année plus tard, l'engagement est-il toujours aussi fort? Point de situation avec l'une des bénévoles de l'association Comité Ukraine.
Aux premières heures du conflit en Ukraine, et pendant les semaines qui ont suivi, les Suisses romands se sont fortement mobilisés. Plusieurs associations et personnes privées ont lancé des appels aux dons, vêtements, aliments, médicaments, des biens récoltés qu'ils ont ensuite acheminés sur place.
Comité Ukraine est l'une de ces associations, fondée en février 2022. Elle a notamment envoyé du matériel médical pour une valeur totale de plus de 40 000 francs ou encore six palettes de vêtements d’hiver. Mais après l'engouement du début, l'élan a fini par s'essouffler à mesure que le conflit s'enlisait.
Qu'en est-il aujourd'hui? Les Suisses répondent-ils encore à l'appel? Hanna Perekhoda, l'une des fondatrices, apporte un éclairage sur la situation.
Répondre précisément aux besoins
«Nous savons qu'aujourd'hui, les Suisses se sont habitués à la guerre», explique-t-elle. «L'affect n'est pas aussi grand et c'est tout à fait normal, même si cela crée chez nous une frustration». Ainsi, plus le temps passe, plus la communication doit être forte. «Nous devons insister», ajoute-t-elle. «Cet automne-hiver, par exemple, il a fallut faire jouer nos contacts personnels pour encourager la mobilisation». Quant aux bénévoles engagés, ils sont beaucoup moins nombreux qu'auparavant: une quinzaine contre une cinquantaine à l'époque.
Comité Ukraine continue tout de même son travail. Fin janvier, une collecte de vêtements a été organisée à l'université de Lausanne et les bénévoles étaient satisfaits du résultat. Hanna Perekhoda rappelle toutefois que l'envoi de tels biens n'est pas toujours la stratégie plus efficace, car elle ne répond pas aux besoins précis de la population:
«En temps de guerre, les personnes ont surtout besoin de médicaments et d'argent»
En effet, au début du conflit, il s'agissait surtout d'envoyer du matériel hémostatique. «Les Ukrainiens n'étaient pas prêts à avoir autant de victimes parmi les civiles et les militaires», raconte-t-elle. «Durant les premiers mois, beaucoup mourraient parce que l'aide n'arrivait pas assez vite et que les saignements n'étaient pas arrêtés à temps».
Collaborer avec la société civile
Quant à l'argent, avec dix francs par exemple, les Ukrainiens peuvent acheter beaucoup plus de choses qu'en Suisse pour le même prix, et surtout choisir exactement ce qu'il leur faut. «C'est pour cela que nous travaillons principalement avec de petites organisations sur place – certaines existaient déjà avant 2022 – qui connaissent la réalité du terrain», précise la bénévole. Des femmes retraitées ou des jeunes souvent, qui aident dans les villes affectées par les bombardements, proches de la ligne de front, «là où de grosses ONG ne s'aventurent pas», selon elle.
Actuellement, son association récolte des fonds pour l'achat de génératrice ou de chauffages (après la destruction par la Russie de nombreuses infrastructures énergétiques) ou encore d'une camionnette pour un groupe de femmes à Kryvyi Rih, à l'est du pays.
«Elles se rendent dans les villages libérés de l'occupation russe. Les conditions de vie sur place sont difficiles, les maisons et les infrastructures sont détruites. Elles organisent donc des convois avec leurs voitures privées pour aller chercher des vêtements, des peluches, des produits ménagers, etc. Nous récoltons 5000 francs pour l'achat d'un grand véhicule afin qu'elles puissent faire plus» - Hanna Perekhoda
«L'antithèse de la charité»
Désormais, la stratégie de Comité Ukraine consiste à présenter à la population suisse le vécu de ces gens. Premièrement, pour qu'elle se rende compte de leurs besoins: «Il s'agit de citoyens normaux qui se sont fait envahir», poursuit Hanna Perekhoda.
Ensuite, parce que lorsque l'aide se fait de personne à personne, le lien créé est beaucoup plus fort et que cette forme solidarité est «l'anti-thèse de la charité», conclut-elle, car elle ne présuppose pas une relation de pouvoir, de victimisation.
Finalement:
«Elle permet de rappeler aux Suisses que la guerre continue et aux Ukrainiens qu'on ne les oublie pas» - Hanna Perekhoda.